Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

front national - Page 12

  • Le tocsin sonne...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Thierry Benne, cueilli sur Causeur et consacré à la vacuité des appels au front républicain contre le Front national...

     

    Vague bleue.jpeg

    FN : après Brignoles, le tocsin sonne

    Face à la montée du Front National et au lendemain de l’élection cantonale de Brignoles, le tocsin sonne à toute volée dans les états-majors des partis. La République est en péril et chacun d’invoquer le pacte républicain, qui correspond  au code de bonne conduite des élus politiquement présentables.  La Gauche, de marteler qu’il faut absolument  dresser en sus un front républicain pour faire échec si nécessaire  à l’intrus. Bien entendu, le pacte républicain, comme le Front républicain, sont censés reposer sur des valeurs républicaines dont, comme de juste,  les seuls partis de pouvoir ou de coalition détiennent l’absolu monopole. Pourtant, si dans l’esprit de la plupart des nos concitoyens ces valeurs demeurent encore vivantes, force est de reconnaître qu’elles sont aujourd’hui bien mal en point. Qu’on en juge plutôt !

    On commencera par le contournement sournois de la volonté du peuple français par la triple collusion de l’Exécutif, du Parlement et, dans une moindre mesure, du Conseil constitutionnel pour faire échec au Non des Français au referendum de 2005 sur l’adoption d’une nouvelle constitution européenne. Cela fait partie des trahisons qui marquent. Toujours à propos de représentation nationale, on comprend mal comment un parti qui réunit à grand peine moins de 5% des suffrages de la Nation réussit à avoir quasiment vingt fois plus de députés qu’un mouvement qui mobilise régulièrement près d’un électeur sur six. De même, comment le principe républicain d’égalité se conjugue-t-il avec le monopole de la représentation syndicale qui aboutit à ce que seule compte ou presque la voix de  8 % des salariés (surtout publics) , quand les 92% qui restent (surtout privés !)  sont pratiquement réduits au silence. Enfin, comment ose-t-on prétendre conduire démocratiquement le processus de réforme des retraites, sans que 16 millions de retraités puissent déléguer un seul représentant ni au Conseil d’orientation des retraites, ni au Conseil économique, social et environnemental ?

    Le Conseil constitutionnel, lui-même, dont on vient de célébrer en grande pompe le 55ème anniversaire avec celui de la Constitution, n’échappe pas davantage à la critique. C’était, on l’a vu,  avec son aval complaisant que le pouvoir put en 2008 mettre à la corbeille le referendum de  2005.  Mais dix années avant, le Conseil avait déjà sciemment validé les comptes de  deux candidats à la présidence, en sachant parfaitement qu’ils étaient pour l’un parfaitement faux et pour l’autre gravement irréguliers. C’est encore ce même Conseil qui avait cru pouvoir le 30 juillet 2010 “louvoyer” avec l’illégalité flagrante de l’ancienne procédure de garde à  vue en fixant  à l’Exécutif  pour la régulariser un délai de rien moins que 11 mois  qu’il n’était normalement pas au pouvoir du juge d’accorder.

    La laïcité, l’une des valeurs-phare de notre République, se fissure sous les coups de boutoir de ceux qui y voient un obstacle à leurs ambitions prosélytiques ou pas. Il est patent désormais qu’en violation des règles européennes,  une bonne partie  des abattages se font sur notre sol  selon le rite hallal, alors que la population musulmane ne représente pas 1/5 de la population française et qu’en son sein, les tenants purs et durs d’un  islamisme radical sont encore infiniment moins nombreux. L’interdiction du voile ne franchit pas la porte de nos universités, comme si ces dernières bénéficiaient par rapport à la République d’un privilège d’extraterritorialité. Et que dire de ce qui subsiste encore des horaires “aménagés” de certaines  de nos piscines, des menus “alignés” de nos cantines scolaires,  des pans entiers de notre histoire que nos enseignants ne peuvent plus aborder sans mettre leurs classes en ébullition ou encore de ces admissions hospitalières en urgence qui s’opposent à l’intervention d’un soignant masculin ?

    Que dire aussi de l’attaque en règle contre les familles ? De l’ambition exorbitante d’une Éducation Nationale, qui prétend s’arroger, y compris à l’encontre des  parents, le droit d’éduquer les enfants, alors qu’elle peine – et le mot est faible – à seulement les instruire ? Comment justifier l’acharnement fiscal contre les avantages des familles, dont beaucoup n’avaient  rien d’exorbitant, mais expliquaient l’efficacité de notre politique nataliste ? Que vaut enfin cette prévalence constante de l’assistanat qui, tout en asphyxiant ceux qui le financent  et en déresponsabilisant ceux qui en profitent,  veut faire  croire à chacun qu’un bon vote  peut remplacer l’effort ?

    Parlons maintenant de la Justice. Comment peut-on admettre qu’un syndicat influent de magistrats puisse mépriser les justiciables et le personnel politique au point de dresser  impunément un mur des cons, qui tend d’ailleurs un redoutable miroir à ses pitoyables auteurs? Comment ensuite la Justice pourra-t-elle donc exiger du citoyen le respect qu’elle-même ne lui accorde pas? Que penser de tous ces meurtres dont on ne peut même plus dire que l’auteur soit un récidiviste,  tellement il se trouve dans une démarche constante, uniforme  et continue d’infraction? Comment les citoyens peuvent-ils être contraints de croiser régulièrement dans leurs cités des individus, dont la dangerosité avérée est telle qu’aucun juge en charge de famille  n’admettrait  leur liberté  dans le voisinage immédiat de son propre domicile?

    Par ailleurs, le peuple français est un peuple libre et il supporte de plus en plus mal que l’on embrigade ou que l’on ampute sa mémoire, au prix d’une infantilisation qui en dit long sur le sens  démocratique  de ceux qui ont exigé  ces  “souvenirs imposés”. Et de se demander en quoi  ce qui a été commis  sur le plan de l’atrocité et de la barbarie par le nazisme doit seul être retenu, alors que des massacres en tous points comparables ou pires (voir l’exemple de Katyn),  mais commis par des Staline, Mao, Pol Pot ou consorts  peuvent  être soigneusement oubliés et  retranchés de l’Histoire comme s’il ne s’était rien passé.

    Mais cette revue serait incomplète si elle ne s’attachait pas à quelques affaires récentes qui, pour être plus personnelles, n’en  révèlent pas moins des dérives préoccupantes. D’abord l’actuel Président de la République avait lors de sa campagne électorale pris le pays à témoin qu’avec lui c’en était fini de l’interférence des affaires privées et des affaires publiques. Or, en en plein marasme, la République prend à sa charge tout ou partie des frais d’une dame qui n’a -semble-t-il- aucun lien de droit avec son Président  et qui se permet en outre par un tweet malvenu de torpiller la candidature électorale de son ex-rivale. Une autre fois, c’est le compagnon d’une  importante ministre qui éructe publiquement et un jour de Fête Nationale  sa bave  antimilitariste, avant de récidiver quelque mois plus tard  en insultant  directement le Ministre de l’Intérieur. Mais le comble de la confusion entre les affaires privées et les affaires publiques, c’est incontestablement l’affaire Cahuzac où il est clairement apparu que le responsable de la collecte des impôts s’arrangeait pour échapper lui-même aux efforts qu’il exigerait de tous les autres, le tout en mentant effrontément à la représentation nationale.

    Certes, ce modeste tour d’horizon ne saurait prétendre à l’exhaustivité, mais il n’en révèle pas moins l’écart béant  qui existe entre les vertus supposées du Front républicain et  le contenu de plus en plus faisandé de ces emballages fort trompeurs. le plus important pour que vive la République, ce n’est assurément pas la survivance du  pacte républicain, encore moins celle du front républicain, mais la pérennité des vraies vertus républicaines, celles qui font que tout un peuple peut encore faire raisonnablement confiance à ceux qui le dirigent.

    Thierry Benne (Causeur, 7 octobre 2013)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • L'inquiétude monte...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Eric Conan, cueilli sur le site de Marianne et consacré à la montée du Front national de Marine Le Pen. Analyses, articles, couvertures d'hebdomadaires : on sent poindre comme une inquiétude au sein du système...

     

    Marine Le Pen 4.jpg

    Comment la gauche a livré le peuple au FN

    Il y a un moment où une routine apparaît pour ce qu'elle est devenue : de l'inconscience faite autisme. « Nous aurons à tirer toutes les leçons de ce scrutin », a déclaré François Hollande sitôt connus les résultats de l'élection législative partielle de Villeneuve-sur-Lot.

    Exactement ce qu'il avait dit, comme premier secrétaire du PS, après le 21 avril 2002 qui avait vu Jean-Marie Le Pen souffler la place de Lionel Jospin au second tour de l'élection présidentielle. Au congrès de Dijon suivant, François Hollande avait précisé l'objectif : « retrouver les liens avec les catégories populaires ».

    Fracture sociale

    Dix ans de perdus. Aucune leçon tirée. Parce que la thèse jospiniste de « l'absurdité » du 21 avril avait prévalu - l'intellectuel du parti, Henri Weber, parlant même d'un « accident ». Hier, comme aujourd'hui, la principale explication crève pourtant les yeux : les catégories populaires ne cessent de fuir le principal parti d'une gauche censée les représenter !

    Et pour une raison qui n'a rien d'accidentel, mais parfaitement logique : il ne les représente plus et ne fait plus rien pour elles. Certes, médias et politiques en parlent de moins en moins, mais les classes populaires (ouvriers, employés, artisans, paysans, chômeurs) représentent toujours plus de la moitié de la population active.

    Or, ces bases sociologiques et géographiques de la gauche ont été ravagées par la mondialisation. Et, contrairement à ce qu'inspire souvent le mépris social à leur égard, elles ont une conscience aiguë de ce que leurs dirigeants ne veulent pas avouer : ils ne savent plus quoi faire d'elles, ils n'ont rien à leur proposer de convaincant.

    Les salariés au chômage, ceux qui le redoutent ou ceux qui ne voient que déclassement programmé pour leurs enfants se sont lassés des discours sur « l'adaptation » à une modernité qui les marginalise. Ils ont bien compris que les élus n'ont aucune prise sur les délocalisations, les fermetures d'usines et la régression des statuts professionnels. Ils ont compris aussi que la crise était surtout pour eux, et qu'il y avait des gagnants de la mondialisation sauvage : grands patrons et banquiers ne se jettent pas par la fenêtre comme en 1929 ; ils se payent en hypersalaires ou en retraites chapeau dignes du Loto, et l'argent public éponge les conséquences de leur cupidité.

    Les « bénéfices » de la mondialisation, dont la Commission de Bruxelles s'est faite le chantre, ils voient bien à qui ils reviennent tandis qu'eux n'ont droit qu'aux discours d'énarques pensionnés à vie dissertant sur le « populisme » et leur expliquant sans conviction qu'il faut s'« adapter », « bouger » et « changer de métier plusieurs fois dans sa vie ».

    « Pour la première fois dans l'histoire, les classes populaires ne font pas partie du projet économique », résume le géographe et sociologue Christophe Guilluy, qui analyse depuis vingt ans la relégation de ces nouveaux « invisibles » à l'écart, dans cette France périphérique faite de chômage, de bas salaires et d'aides sociales. Un peuple perdu de vue par des partis de gauche prisonniers de leur sociologie de cadres et de fonctionnaires ancrés dans les métropoles bobo bordées d'une ghettoïsation urbaine « multiculturelle » dont les désagréments ne sont pas plus maitrisés que ceux de « la » mondialisation heureuse.

    Comment la gauche a-t-elle pu abandonner ces « invisibles » qui se manifestent en venant gonfler l'électorat du FN (aujourd'hui en tête chez les ouvriers de 20 à 55 ans) alors qu'ils ont constitué son socle électoral jusqu'en 1981 ? Ce n'est pas faute d'avoir été alertée. Dès 1990, le clairvoyant Marcel Gauchet, inventeur de la notion de « fracture sociale », évoquant « les mauvaises surprises d'une oubliée », avait annoncé le « retour de la lutte des classes là où on ne l'attendait pas : pour alimenter la poussée électorale continue de l'extrême droite ». Et l'on se souvient de la colère prémonitoire de Pierre Mauroy, constatant, quelques jours avant le crash du 21 avril, que son parti n'osait plus employer le mot « ouvrier ».

    La gauche n'est plus marxiste, mais les électeurs, eux, continuent de se déterminer en fonction de leur situation économique et sociale ! « Les classes sociales n'ont ni raison ni tort, elles ont des intérêts et des manières d'être, a rappelé Jacques Julliard, ajoutant : Comment demander un comportement rationnel à des gens confrontés à un capitalisme aussi déraisonnable, aussi cupide que celui dont nous sommes affligés ? » Les catégories populaires se sont donc laissé tenter par les promesses de Nicolas Sarkozy en 2007, avant de chasser l'imposteur en votant pour Hollande et son engagement de lutter contre la finance, son « principal adversaire ».

    C'est leur déconvenue qui redynamise comme jamais le vote FN. Marine Le Pen leur paraît désormais comme la seule qui s'adresse à eux, ainsi que le faisaient naguère les communistes, les gaullistes et les socialistes. Et ils rejettent Jean-Luc Mélenchon dont le robespierrisme ne masque pas une apologie de l'immigration non régulée qui rejoint celle du Medef pour presser les salaires à la baisse.

    Contre cette hémorragie de son électorat vers le FN, la gauche a épuisé le registre de l'injure, version « les salauds » de Bernard Tapie (l'heureux bénéficiaire d'un « préjudice moral » de 45 millions d'euros) ou version « les cons » de Julien Dray (le collectionneur de montres à 20 000 €). Marine Le Pen, elle, qu'elle soit sincère ou non, peu importe, n'a pas le même effet répulsif que son père et les dernières partielles montrent que « le FN siphonne les voix du PS », comme l'analyse le politologue Dominique Reynié.

    Ajoutons que la prégnance de la culture communiste, qui a retenu nombre d'ouvriers ou d'ouvriers retraités, désormais abstentionnistes, de passer au vote FN, ne joue plus son rôle inhibiteur chez les jeunes ouvriers et employés. La dénonciation est inefficace parce que le vote FN n'est pas « contestation, mais demande de démocratie », selon Marcel Gauchet. Et le front républicain ne fonctionne plus parce qu'il est d'abord vu comme le programme commun droite-gauche de l'alignement sur une politique européenne qui ne protège pas les peuples de la mondialisation sauvage.

    Une réponse vitale

    En ciblant le fanatisme de José Manuel Barroso et son projet d'une Europe jungle sociale comme «carburant du FN», Arnaud Montebourg a le mérite de placer enfin le débat au niveau des causes plutôt que des symptômes : pourquoi la gauche et la droite françaises se sont-elles alignées sur cette politique européenne qui n'a rien d'inéluctable ? Il a raison de considérer les élites coresponsables des «tourments légitimes d'un peuple empoisonné», selon l'exigeante formule de Jean Daniel.

    Car, à l'origine des errements du peuple, il y a souvent son abandon. Les grands moments historiques français correspondent tous à l'articulation heureuse entre le peuple et ses élites : la Fronde, 1789, les débuts de la IIIe, le Front populaire, le gaullisme. Ce qui distingue l'élite digne de ce nom de l'oligarchie, c'est son souci du peuple et de ses intérêts. Gambetta demandait aux élites d'être les « frères aînés du peuple », François Mitterrand disait qu'il fallait toujours se soucier du sort des « bougres ». Peu importe que ce souci recouvre un paternalisme inspiré par l'intérêt bien compris, la crainte ou l'altruisme. L'important est la réponse qu'il donne aux inquiets. Pour François Hollande et le Parti socialiste, cette réponse devient vitale.

    Eric Conan (Marianne, 10 juillet 2013)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 4 commentaires Pin it!
  • Tour d'horizon... (50)

    Olrik 2.JPG

    Au sommaire cette semaine :

    - sur Causeur, Jean-Paul Brighelli revient sur le naufrage, programmé de longue date, du baccalauréat...

    Le Bac - et après

    Baccalauréat 2.jpg

     

    - sur Justice au singulier, Philippe Bilger revient sur le simplisme des analyses médiatiques expliquant la montée du Front national de Marine Le Pen...

    Le FN pour les nuls

    autre_voix2.jpg


     

    Lien permanent Catégories : Tour d'horizon 0 commentaire Pin it!
  • De quoi la référence au « populisme » est-elle le nom ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Christophe Guilluy, tiré de l'hebdomadaire Marianne et cueilli sur Polémia, consacré à ce que révèlent d'eux-mêmes les dénonciateurs du populisme...

     

    Populisme.jpg

     

    De quoi la référence au « populisme » est-elle le nom ?

    Se poser la question du « populisme », obsédante aujourd’hui dans le débat public, c’est déjà tomber dans le piège de la mise à distance des classes populaires. Cet a priori récurrent permet de délégitimer leur discours. En effet, l’approche de la crise par le « populisme » vise à décrédibiliser les réactions des classes populaires et, in fine, à occulter les causes du rejet des classes dirigeantes. Cette rhétorique vise à écarter la responsabilité des partis de droite et de gauche depuis une trentaine d’années. Il s’agit, en fait, de rendre illégitime la contestation des choix économiques et sociétaux effectués par les organisations ayant exercé le pouvoir, quelles que soient leurs étiquettes.

    Si la mise en avant du « populisme » s’est généralisée parmi les élites, c’est parce qu’elle permet d’imposer un diagnostic « par le haut », en décrédibilisant le diagnostic « par le bas », celui des classes populaires. Or, contrairement à ce que l’on croit, le diagnostic rationnel, objectif, est celui des classes populaires, car ce sont elles qui vivent au quotidien, depuis trente ans, les effets de la mondialisation (stagnation ou déflation salariale, précarisation, chômage, fin de l’ascension sociale) et de son corollaire lié à l’immigration (aléas de la cohabitation, quartiers difficiles, problèmes de logement, déshérence de l’école, instabilité démographique, …).

    A la limite, on pourrait inverser le propos et dire que le « populisme » est le code de conduite des classes dirigeantes, car elles mentent sciemment aux classes populaires depuis des décennies sur leur projet néolibéral.

    Ainsi, contrairement à ce que l’on écrit et dit un peu partout, le diagnostic « par le bas » (désigné comme « populiste ») n’est pas le fruit d’un emportement irréfléchi, d’une radicalisation irrationnelle ou d’une protestation superficielle. Il s’agit bel et bien d’une analyse objective des retombées de choix économiques et sociétaux précis.

    Pourtant, à l’exception de quelques intellectuels, comme le philosophe Vincent Coussedière, auteur d’un livre intitulé Eloge du populisme, le problème est toujours abordé dans un sens péjoratif ou avec un regard condescendant. Certes, depuis le retour des « classes populaires » dans le débat public, la prudence est de mise. On ne dénonce plus le « beauf raciste et fasciste ». La stigmatisation du peuple « à la papa » a laissé place à une stigmatisation plus light.

    Des classes exclues et oubliées

    Aujourd’hui, on joue plutôt à la vigie antifasciste sur le mode de « l’histoire qui bégaie » ou de « la peur des années trente ». C’est plus subtil. Après chaque élection on a droit à la sempiternelle analyse sur le faible niveau scolaire des électeurs du FN, qui seraient peu éduqués, presque débiles et donc aptes à la manipulation. On suggère également que le « populisme » séduit des vieux (donc gâteux et limite débiles) qui ne comprennent rien au monde et se replient sur eux-mêmes.

    Le problème, c’est que l’électorat du FN est surtout composé d’actifs et de jeunes, alors qu’il est sous-représenté chez les plus de soixante ans. Jusqu’à présent, le vieillissement de la population est en réalité l’un des remparts les plus efficaces contre cette prétendue montée du « populisme ».

    Pour bien appréhender le phénomène, il faut l’instruire dans le temps long. Il est en effet la conséquence d’une mise à l’écart économique, sociale, culturelle, mais aussi géographique, d’une majorité des nouvelles classes populaires (ouvriers, employés, paysans, jeunes et retraités de ces catégories). Celles-ci ne font plus partie du projet des classes dirigeantes. Elles sont de plus exclues, oubliées, rejetées. D’où l’abstention et le vote FN, impossible à comprendre sans prise en compte de cette donnée structurelle.

    Dans ces conditions, le sempiternel débat sur les stratégies électorales du FN est vain. Si l’on n’agit pas sur les raisons qui conduisent à la montée de Marine Le Pen, il ne sert à rien de crier au loup. Le FN existe parce que des électeurs votent pour ce parti, et pas l’inverse. Les gens qui font ce choix ne sont ni débiles ni manipulés. Ils font des analyses rationnelles de leur vécu et en tirent des conséquences contestables, certes, mais qui s’expliquent. Et ils le font d’autant plus que Marine Le Pen a su adapter son discours à la sociologie de ses électeurs.

    Le « populisme » pose ainsi un problème de fond à l’ensemble de la classe politique. Il tend à faire disparaître la fracture artificielle entre la gauche et la droite, pour laisser pointer un affrontement entre les classes dominantes (qu’elles soient de droite ou de gauche) et les classes populaires. Il contraint les classes dirigeantes à ouvrir les yeux sur l’émergence de nouvelles classes populaires et d’une forme de contre-société.

    Christophe Guilluy (Marianne, 1er au 7 juin 2013)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 1 commentaire Pin it!
  • Où est la vraie gauche aujourd'hui ?...

    Vous pouvez écouter ci-dessous l'émission Service public du 7 mars 2013, diffusée sur France Inter et animée par Guillaume Erner, qui recevait le philosophe Jean-Claude Michéa, à l'occasion de la publication de son dernier essai, Les mystères de la gauche (Climats, 2013).

    On écoutera avec intérêt la réaction de l'intéressé à l'interview d'un militant du Front National, ancien électeur communiste...

     

    michea-1.jpg

    " Vous vous demandez peut-être ce qu'est la gauche, et bien cela fait des décennies que le philosophe Jean-Claude Michéa s'attache à la définir. Cet intellectuel rare dans les médias, a développé une pensée susceptible d'expliquer la crise du politique que nous traversons."

    Lien permanent Catégories : Entretiens, Multimédia 0 commentaire Pin it!
  • De l'abandon au mépris...

    «La classe ouvrière n’est plus le coeur du vote de gauche, elle n’est plus en phase avec l’ensemble de ses valeurs, elle ne peut plus être comme elle l’a été le moteur entraînant la constitution de la majorité électorale de la gauche. La volonté pour la gauche de mettre en oeuvre une stratégie de classe autour de la classe ouvrière, et plus globalement des classes populaires, nécessiterait de renoncer à ses valeurs culturelles, c’est-à-dire de rompre avec la social-démocratie.»

    Rapport de la Fondation Terra Nova, "Gauche : quelle majorité électorale pour 2012" (mai 2011)


    Les éditions du Seuil publient demain un essai de Bertrand Rothé intitulé De l'abandon au mépris - Comment le PS a tourné le dos à la classe ouvrière. Bertrand Rothé est déjà l'auteur, avec Gérard Mordillat, d'un livre intitulé Il n'y a pas d'alternative - Trente ans de propagande économique (Seuil, 2011).

    De l'abandon au mépris.jpg

     

    "Comment, en l’espace de trente ans, le PS et le monde ouvrier sont-ils passés de l’amour fou au mépris ?

    Ce livre tient la chronique tragique d’une longue histoire passionnelle, émaillée de séparations fracassantes et de retrouvailles douloureuses, de drames et d’engagements non tenus. Il explique pourquoi, en 1981, 70 % des ouvriers avaient contribué à la victoire du PS, alors que c’est aujourd’hui le FN qui est qualifié de « premier parti ouvrier de France ».

    Entre ces deux dates, au fil des choix politiques engagés par les hiérarques du Parti socialiste, et des réactions plus ou moins avisées des représentants de la classe ouvrière, notre couple, de plus en plus mal assorti, doit faire face à l’effondrement du monde communiste, à l’arrivée de la « deuxième gauche », à la montée du chômage et à la conversion des socialistes à l’Europe, au libéralisme et à la société postindustrielle. Les noms de François Mitterrand, Jacques Delors, Laurent Fabius, Pierre Bérégovoy, Dominique Strauss-Kahn, Lionel Jospin et François Hollande, entre autres, marquent les étapes de ce désamour, de l’abandon au mépris.

    Au terme de nombreuses péripéties, que Bertrand Rothé rappellent de façon cinglante, le vieux couple en arrive aujourd’hui au divorce."

    Lien permanent Catégories : Livres 0 commentaire Pin it!